Un Dimanche à la Grange des Prés
UN
DIMANCHE A LA GRANGE DES PRES
Il y avait un soleil printanier et du vent si souvent maître de ces
lieux.
Il y avait les yeux rieurs de dizaines
d'enfants serrant fort dans leurs mains
le pain qu'ils avaient fabriqué et cuit dans le four à pain, astre rougeoyant
qui illumina toute la journée.
Il y avait les paysans fermiers, Fred
le boulanger, son bonnet et ses lunettes de soleil, Driss et Tine - le dos de
douleur noué - Marceau pourvoyeur d'œufs
durs et sa famille et ses amis des Mages.
Il y avait Joseph qui, dans le brouhaha
de l'apéro faisait chanter les paroles d'une éternelle jeunesse.
Il y avait Sébastien Johannès dans son
écrin de paille qui faisait entendre l'étonnante modernité de "la lettre
aux paysans de Giono", entre un surprenant cours concret d'économie sur
les ravages de l'avide monnaie, des fluctuations du cours du blé, et la lyrique
exaltation du rejet de la guerre par les femmes paysannes
Il y avait dans la journée qui
s’achevait les notes et les mots de Jofroi qui parlait d'un autre mois de mai,
de recette de gaufres, de pain et d'un lieu choisi de pierres entrelacés.
Il y avait le maire de Barjac et sa
femme Cathy et la mairesse de Rochegude et son mari Pierre entourés de nombreux
conseillers municipaux.
Il y avait Nadia, la présidente, sans
cesse affairée et son uniforme bleu.
Il y avait Guy, stoïque toute la
journée pour récolter de nouvelles adhésions (20 dans la journée.)
Il y avait la formidable équipe
éphémère chargée de sustenter et d'abreuver tous les convives; Patrick, Audrey
et Hermine au bar, Nathalie et Michelle aux salades, Aline, Marielle, Julien,
Raphaël et Christian venu de Saint Thomé en Ardèche et aussi Gaby.
Il y avait ces 2 jeunes nomades, venus
en vélo de Normandie et heureux d'avoir pu dormir dans la paille la nuit
précédente.
Il y avait dans les 250 personnes des
jeunes et des ancêtres, des marginaux et des nantis, des gens « d'aqui et
d'aïa », d'ici et d'ailleurs - un ici de cœur choisi en ce jour. Ils
venaient de Barjac, de Nîmes, de Belgique, d'Angleterre et d'Ardèche aussi
(beaucoup).
Il y avait tous ces mots qui
s'envolaient, bio, OGM, semences, communauté de communes si lointaine et si
absente et tous ceux que je n'ai pas entendus ou oubliés.
Il y avait des cochons, des brebis et
des poulets et des objets aussi; le vélo électrique d'Edouard, les micros de
bois de Patrick et le bar, rescapé de la liquidation de l'usine de pain de
Barjac par l'avide monnaie et qui semblait content de finir sa vie auprès d'un
four à pain.
Il y avait flottant dans ma tête, le
souvenir du rêve originel de Sjoerd Wartena, fondateur de Terre de liens et
d'Edouard Chaulet pour ce lieu. Comme si, en cette petite parenthèse enchantée,
des bribes encore fragiles et bancales de leur utopie prenaient vie.
C'était un beau jour de mai à la Grange des près, de solidarité et de
chaleur humaine baigné.
Alain
RAYBAUD
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