CENTENAIRE 14-18
De cette guerre nous n’en ignorons ni le
carnage ni les détails. C’est tellement considérable que nous oublions d’en
chercher les causes, l’explication, pourquoi on en est venu aux mains, aux
fers, aux feux, aux gaz, à l’étripement, la mutilation, la folie, pour ne pas
dire à l’aveuglement politique.
Tant que cette démarche du pourquoi
n’est pas faite, une guerre ne sera jamais la « der des der » comme
se l’étaient juré les braves poilus.
Il faut saisir les intérêts en présence.
C’est éclairant.
1 - Quelle grande puissance va
dominer le monde et bénéficier de ses richesses ?
Un repartage des colonies, des empires
comme un immense et sinistre banquet auquel ceux qui se gavent ne vont pas
verser leur sang mais d’abondance celui des autres. En 1885, Grande Bretagne
France Belgique n’ont laissé que des miettes de colonies à l’Allemagne qui
réclame sa part, comme le Shylock de Shakespeare sa livre de chair.
Nos héroïques et naïfs poilus, qui
avaient crié « à Berlin » comme si c’était derrière la colline
partaient pour la Patrie de fait ils mourront pour les industriels et les
profiteurs.
Aucun ne sera inculpé de crime
imprescriptible contre l’humanité. Ni celui qui employa les gazs à Ypres, ni
les Krupp, ni les Citroën, ni les Wendel… toutes ces sociétés appelées par la
législation « personnes morales ».
L’assassin de Jean Jaurès, l’homme qui
voyait clairement venir la boucherie, le sieur Raoul Vilain, sera jugé et
acquité. La veuve de Jaurès payera les frais du procès !!
2 - Une autre cause, cachée elle aussi,
c’est la peur des dominants devant la montée du mouvement ouvrier, de ses
revendications de salaires, de soins, de loisirs. Depuis 30 ans l’éducation
obligatoire a redonné une exigence de démocratie.
Pour maintenir pouvoir et privilège les
grandes bourgeoisies virent dans la guerre un moyen de mettre au pas, c’est le
cas de le dire. En fracassant les peuples les uns contre les autres, ils
espèrent retarder le progrès. Partout en Europe avant 1914, les syndicats, la
social-démocratie marquent des points, dans les luttes comme les élections. La
Guerre apparait comme le moyen pour enrayer ces mouvements.
« Le capitalisme porte en lui la guerre
comme la nuée porte l’orage » disait Jaurès.
La propagande s’acharne à faire passer
les autres pour des animaux, des sous hommes. C’est plus facile pour tuer de
savoir qu’en face l’humain n’existe pas.
Le chauvinisme gagne même les dirigeants
de gauche, qui vont voter pour la guerre au lieu de tenir la promesse d’une
grève générale menée par les syndicats dans toute l’Europe… La loi barbare des
intérêts et du fric n’a plus de garde-fous et la ruée mortelle, telle qu’elle
nous est décrite en long et en large, mais pas expliquée peut se
produire.
Depuis 2014, la municipalité, les
associations ont produit de nombreuses manifestations sur 14/18. Conférences,
films, expositions, chansons d’époque et notre 11 novembre est toujours suivi
avec ferveur.
Ce soir, un grand film sur des documents
sera passé. La semaine prochaine, le Général IRASTORZA donnera une conférence,
un spectacle présentera le témoignage du soldat Bartas, dont le texte est considéré
comme le plus important. Bartas simple tonnelier n’entrera pas au Panthéon car
il est de la France du Sud, de la France d’en bas, celle qui est trop brave.
Beaucoup a été fait et aujourd’hui après
en avoir parlé pendant 10 ans, nous découvrons en lettre d’or aussi le nom du
malheureux Philippe DALEN fusillé pour l’exemple.
Philipe DALEN, mort à 19 ans, un pauvre
engagé à 17 ans pour survivre, exécuté après un « jugement »
expéditif dès le lendemain de la sentence et enseveli face contre terre. De
quoi perpétuer un dispositif de terreur pour continuer à faire marcher ses
camarades vers une mort, une mutilation quasi certaines.
Une victime de plus, qui plus est, salie
par l’infamie avec sa famille ici présente que je salue.
Puisse ce travail de mémoire et
d’intelligence servir aussi à la compréhension du monde d’aujourd’hui et à
l’action.
Les multinationales riches du Nord
mènent une guerre contre les peuples du Sud, qui aspirent à se développer à
partir de leurs richesses qui leur sont ravies et pillées.
La faim fait mourir un enfant toutes les
5 secondes, la misère précipite vers la migration des millions de personnes
« qui n’arrivent pas toutes à la fin du voyage » comme disait
Jean Ferrat pour les déportés.
Les armements sont de plus en plus un
commerce juteux. Nos armes tuent au Yémen. Des discours sont tenus par un
« président du monde » qui sont dangereux car ils bafouent des
traités et les organisations internationales. Ce monde sent encore la guerre.à plein nez.
Le chauvinisme reprend du poil de la
bête un peu partout. Il faut veiller et agir car le ventre qui a engendré le
monstre de 14/18 est toujours fécond.
Devenons des guerriers pour la Paix
« Lorsqu’ on ne tuera plus ils seront bien vengés » disait Paul Éluard.
Les ennemis de la Paix sont communs à
tous les peuples. Unissons-nous contre leurs machinations.
Vive la Vie, vive la Paix et la
Fraternité.
Édouard CHAULET
Barjac, le 11 novembre 2018
Commentaires
Tu n’en reviendras pas toi qui courais les filles
Jeune homme dont j’ai vu battre le cœur à nu
Quand j’ai déchiré ta chemise et toi non plus
Tu n’en reviendras pas vieux joueur de manille1
Qu’un obus a coupé par le travers en deux
Pour une fois qu’il avait un jeu du tonnerre
Et toi le tatoué l’ancien légionnaire
Tu survivras longtemps sans visage sans yeux
On part Dieu sait pour où ça tient du mauvais rêve
On glissera le long de la ligne de feu
Quelque part ça commence à n’être plus du jeu
Les bonshommes là-bas attendent la relève
Roule au loin roule train des dernières lueurs
Les soldats assoupis que ta danse secouent
Laissent pencher leur front et fléchissent le cou
Cela sent le tabac l’haleine la sueur
Comment vous regarder sans voir vos destinées
Fiancés de la terre et promis des douleurs
La veilleuse vous fait de la couleur des pleurs
Vous bougez vaguement vos jambes condamnées (...)
Déjà la pierre pense où votre nom s’inscrit
Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places
Déjà le souvenir de vos amours s’efface
Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri
Louis Aragon, « La guerre, et ce qui s’ensuivit », 1956, in Le Roman Inachevé.© Éditions Gallimard.
Poème mis en musique par Léo Ferré dans Les chansons d'Aragon chantées par Léo Ferré, 1961,
Barclay.
(cf lien : http://www.youtube.com/watch?v=4lx9DpjdUOw)